Source : Érudit – Revue Santé mentale Québec – volume 44- numéro 1, printemps 2019, pa 9-126

L’intervention psychologique auprès des victimes de la fusillade du 29 janvier 2017 à Québec – dimension multiculturelle.

Résumé

Le 29 janvier 2017, un forcené tire sur une assemblée de fidèles au Centre culturel islamique de la paisible ville de Québec. Le bilan est de six tués, cinq blessés et 35 rescapés choqués. Dans la ville, des familles des victimes et des coreligionnaires sont sous le coup d’un choc émotionnel. Il s’agit d’un acte terroriste ciblé, visant des personnes dans leur identité culturelle et religieuse, et les atteignant dans leur représentation mentale de la sécurité et du bien-être.

Les secours psychologiques s’organisent, avec notamment l’intervention d’une psychologue de même culture et de même langue maternelle que les victimes. Les tableaux cliniques constatés sont d’une part le stress adapté, avec ses symptômes transitoires, et d’autre part le stress dépassé, avec ses symptômes dissociatifs et ses risques évolutifs vers l’état de stress post-traumatique. À signaler aussi des cas de deuil traumatique, compliqués, entre autres, par l’obligation que se font les familles d’aller enterrer les défunts dans leur pays d’origine.

L’intervention psychologique se déroule au domicile des victimes dans un premier temps (les premiers jours) en séances de déchocage (defusing) par groupes familiaux. Puis, la deuxième semaine, elle a lieu en séances de groupes de bilan psychologique d’évènement (debriefing) psychodynamique en clinique (bureau privé). Pour les enfants, on a recours à l’expression spontanée par le dessin. Passé quinze jours, selon les normes établies par l’Ordre des psychologues du Québec, on propose aux victimes qui souffrent encore de venir consulter au cabinet de la psychologue.

Trois mois après l’attentat, les deux tiers des victimes s’en sortent sans séquelles ou avec des séquelles légères. Parmi les autres, qui présentent de la difficulté d’endormissement, des cauchemars et de la phobie de sortir, certaines réactivent leurs symptômes en réaction à la reprise d’actes hostiles envers la communauté musulmane.

Un an après l’attentat, un retour progressif à la normale est de plus en plus perçu pour un grand nombre de victimes. La culture et la religion agissant comme facteurs de protection, notamment la « foi » comme porteuse ultime de résilience. La solidarité sociale et politique contribue à l’apaisement de la douleur chez certains.

Le processus judiciaire laisse place à la parole et à l’expression du ressenti dont ont besoin les victimes. À la base de l’amélioration, inviter la victime à verbaliser l’expérience vécue sensorielle « absurde » du trauma contribue à le résoudre en y apportant du sens.

Nous émettons enfin des recommandations visant à avoir recours, dans la mesure du possible, à un professionnel de la même culture dans le contexte du trauma, ou à être supervisées par ce dernier pour une meilleure connaissance de la culture de la victime ou tout simplement à investiguer le contexte socioculturel et la religion, si celle-ci a un lien étroit avec le contexte du deuil et de la notion de mort de la victime.